texte de Mahmoud Darwich... (les derniers poèmes).
La loi de la peur
L’assassin regarde sans remords le fantôme de la victime, non ses yeux. Il dit à ceux qui l’entourent : Ne me blâmez pas, j’ai peur. J’ai tué parce que j’ai peur et je tuerai encore. Certains spectateurs entraînés à préférer l’analyse psychologique aux fondements de la justice disent : Il ne fait que se défendre. D’autres, admiratifs de la supériorité du progrès sur l’éthique, disent : La justice n’est que ce qui déborde de la générosité de la force. A la victime de s’excuser auprès de son assassin du traumatisme qu’elle lui a causé ! D’autres encore, spécialistes de la distinction entre le réel et la vie, disent : Si un tel incident banal était survenu ailleurs que sur cette Terre sainte, la victime aurait-elle acquis nom et célébrité ? Allons donc réconforter celui qui a peur. Et, alors qu’ils partent en procession de sympathie avec le tueur apeuré, des touristes étrangers passant par là leur demandent : Mais quelle est la faute de l’enfant ? Ils leur répondent : Il grandira et fera peur au fils de l’assassin. Quelle est la faute de la femme ? Ils répondent : Elle enfantera une mémoire. Quelle est la faute de l’arbre ? Et ils disent : Un oiseau vert en sortira. Puis ils se mettent à scander : La peur, non la justice, est le fondement du royaume. Le fantôme de la victime leur apparaît alors dans un ciel limpide, ils lui tirent dessus et, ne voyant pas une goutte de sang couler..., ils prennent peur !